Le moment est idéal pour transformer le secteur public

Au moment où les gouvernements placent le numérique au cœur de la relance économique, le secteur public doit saisir l’opportunité pour opérer sa propre transformation, pour le bénéfice de tous.

Alors que les campagnes de vaccination contre la Covid-19 progressent et que les mesures de soutien aux entreprises tendent à se réduire, les gouvernements du monde entier se détournent progressivement de la relance à court terme pour se concentrer sur la construction d’une croissance durable à long terme. Les gouvernements ont identifié, à juste titre, la transformation numérique comme un moteur clé de cette construction. Dans les Amériques, en Asie et en Europe, le numérique est au cœur des plans de relance nationaux. Selon IDC, l’Allemagne investira par exemple 40 % de son plan de 50 milliards d’euros dans l’accélération de la numérisation, et particulièrement dans l’expansion du haut débit et les services publics en ligne.

La pandémie a démontré que des changements importants étaient nécessaires pour l’IT du secteur public. Moins de 10 % des pouvoirs publics déclarent n’avoir rencontré aucun défi organisationnel pour relever les défis liés à la Covid-19 et à l’émergence des nouveaux modèles de travail. Le cabinet IDC met en avant six actions clés dans la réussite de la transformation numérique des services publics :

  • Mettre en place une expérience citoyenne omnicanale
  • Assurer la confiance et la sécurité
  • Promouvoir des politiques et des prestations de services basées sur les données
  • S’adapter à l’avenir du travail
  • Favoriser l’inclusion numérique
  • Construire des plateformes et des infrastructures agiles et intelligentes

J’aimerais ici me concentrer sur les 3 premières. Les communications omnicanales tout d’abord, réalisées via des portails qui consolident différentes sources de données gouvernementales, permettent aux utilisateurs d’accéder à plus d’informations et à davantage de services. L’utilisation d’API et de technologies d’apprentissage automatique et d’automatisation des processus peut rendre les services publics beaucoup plus efficaces, réactifs et économiques, notamment en simplifiant les processus de paiement des taxes ou de versement des allocations. La ville de Vienne est un bon exemple du potentiel des communications omnicanales. En utilisant un chatbot, baptisé WienBot, pour fournir des informations sur les mesures liées à la Covid-19, les autorités locales ont allégé la pression sur la ligne d’information principale, préservant ainsi une ressource cruciale pour les citoyens.

Sans confiance, pas d’adoption

La sécurité et la confiance constituent un autre axe fondamental de la transformation. La numérisation offre aux citoyens un accès plus simple aux services publics, mais la confiance dans la sécurité des solutions est indispensable à leur adoption. D’après IDC, près de la moitié des agences gouvernementales identifient aujourd’hui les programmes de confiance numérique comme une priorité majeure. Des stratégies de cybersécurité robustes sont donc essentielles. Et l’un leaders dans ce domaine est l’Australie qui, à travers sa « Stratégie de cybersécurité 2020 », prévoit d’investir 1,67 milliard de dollars australiens (1,03 milliard d’euros) sur 10 ans. L’investissement se fera via AustCyber, réseau national d’innovation qui vise à faire de la cybersécurité un allié de la croissance économique. En réunissant des start-up, des fonds de capital-risque, des agences gouvernementales et des établissements d’enseignement, AustCyber ​​agira comme un véritable catalyseur pour l’industrie australienne de la cybersécurité.

La sécurité des accès aux services gouvernementaux ne doit toutefois pas non plus décourager les utilisateurs par leur complexité. Les solutions d’identité numérique peuvent contribuer à trouver le bon équilibre entre sécurité et accessibilité. La France a par exemple considérablement amélioré ses services en développant France Connect, un mécanisme de connexion unique reconnu par tous les services publics. Au niveau européen, la Commission européenne a récemment proposé une nouvelle législation visant à introduire un portefeuille européen d’identité numérique pour permettre l’accès aux services publics en toute sécurité.

Mieux encadrer pour mieux collaborer

Enfin, les données doivent être traitées comme un atout stratégique. Même si les gouvernements investissent dans des solutions innovantes, comme le Big Data, l’analyse ou l’apprentissage automatique, les obstacles organisationnels, les contraintes juridiques ou le manque de compétences font que, bien trop souvent, les données ne sont pas converties en informations exploitables. Le projet STOIC (Scanner ThOracique pour le dIagnostic de la pneumonie liée au Covid-19), initié à l’hôpital Cochin de Paris, illustre bien le potentiel des approches basées sur les données. Le monde de la santé a besoin d’accroître le partage des données et la collaboration afin de constituer plus rapidement des jeux de données suffisamment volumineux pour la conception des nouveaux traitements. En créant une base de données commune à plusieurs établissements, les médecins ont pu réunir une quantité inédite d’images thoraciques de patients suspectés d’infection par le SARS-Cov-2, virus responsable de la Covid-19, et ainsi alimenter une intelligence artificielle chargée de quantifier automatiquement la gravité des lésions, d’orienter la prise en charge des patients ou d’évaluer l’efficacité des traitements.

La clé pour libérer ce potentiel est de réformer la réglementation pour faciliter l’accès et le partage des données. Des initiatives comme l’espace européen des données de santé, qui vise à permettre une collaboration autour des données de santé à l’échelle de l’Union Européenne, ou le Data Act, qui vise à faciliter le partage de données entre les entreprises et les gouvernements, permettront à l’UE de mieux exploiter la véritable valeur des données.

Les gouvernements du monde entier ont reconnu l’importance de la transformation numérique dans leurs plans de relance. Cependant, alors que ces plans affichent des objectifs à long terme, les fenêtres d’obtention des financements se referme. En France, par exemple, la stratégie a pour obejctif de « bâtir la France de 2030 », mais la plupart des plans seront exécutés et financés entre 2021 et 2022. Les pouvoirs publics sont donc à un moment charnière et doivent dès à présent tirer parti des financements et des solutions technologiques disponibles pour lancer des programmes ambitieux de transformation des services publics.

About the Author: Philippe Lecanthe

Experienced leader with a demonstrated history of working in the information technology and services industry. Skilled in Sales, IT Strategy, Data Center, Management, and Software as a Service (SaaS). Strong sales professional with a Executive Program focused in General Management from INSEAD.