L’IA au chevet de la Grande barrière de corail

Pour limiter au maximum son érosion, les scientifiques collectent de plus en plus de données sur la Grande barrière de corail, plus grand récifs corallien au monde d’une superficie de près de 345 000 km². Mais… ils manquent de temps pour les analyser. L’intelligence artificielle leur permet de traiter des dizaines de milliers d’images en quelques jours au lieu de plusieurs mois.
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Nous vous parlions il y a maintenant plus de trois ans du projet « The Great Reef Census » (Le Recensement de la Grande Barrière). Cette initiative menée par l’association Citizens of the Reef, et dont Dell Technologies est partenaire, vise à collecter et analyser à très grande échelle des données sur les près de 345 000 km² de récifs de la Grande Barrière de corail, pour tenter de préserver au mieux cet écosystème menacé par la pollution et le dérèglement climatique.

L’idée était de proposer à toute personne présente sur la Grande Barrière de partager ses photos des coraux afin qu’elles soient analysées par l’équipe de recherche marine de l’université du Queensland et de l’université James-Cook. Grâce à l’infrastructure Edge, un système nerveux digital géographiquement distribué, mis en place et à l’engagement des personnes qui ont partagé leurs images, la collecte est un succès.

À ce jour, plus de 110 000 photographies ont été récupérées, couvrant 17 % des coraux de la Grande Barrière. Auparavant, les chercheurs n’étaient capables de surveiller qu’environ 5 à 10 % des 3 000 récifs, ce qui rendait difficile la prise de décisions en matière de conservation.

Mais cette accumulation de data a rapidement donné naissance à un seconde défi : l’analyse.

Du mois à la journée, de la minute à la seconde

Chacune des photographies était analysée par un chercheur, chargé d’identifier les différents types de coraux présents sur cette zone. Il a donc fallu à l’équipe 1 516 heures, soit 7 à 8 minutes par photo et deux mois de travail, pour analyser les 13 000 images de la première phase de collecte. Un délai beaucoup trop important, d’autant que la quantité de photos ne cessait d’augmenter. La deuxième année, ce sont 42 000 images qui avaient été récupérées.

Comme le souligne Benjamin Vozzo, Directeur impact et communications de Citizens of the Great Barrier Reef, « nous n’avons pas le temps de ne pas utiliser la technologie ». La solution à ce défi a donc consisté à mettre en place une feuille de route d’un futur partenariat homme-machine. De la même manière que l’association de la technologie et de l’humain a permis d’accélérer la collecte d’images, cette même association a permis d’accélérer l’analyse

Avec son équipe, Mei May Soo, Directrice data science de Dell Technologies, a conçu un modèle d’IA évolué basé sur du deep learning, doté de 30 millions de paramètres et capable de reconnaître les coraux. Ce modèle, exécuté sur une infrastructure HPC Dell intégrant les dernières générations de processeurs Intel® Xeon®, a réussi à documenter 51 000 images en seulement une semaine.

Les « scientifiques citoyens », des volontaires présents partout dans le monde (et dont vous pouvez vous aussi faire partie), n’avaient plus ensuite qu’à labelliser (corail rocheux, en plaques, en branches, etc.) les coraux pré-détectés par l’IA. Et les scientifiques n’ont constaté qu’un écart d’1 % entre les analyses effectuées par les scientifiques citoyens et celles réalisées par les experts.

L’entraînement du modèle est également une illustration de partenariat homme-machine puisque les employés de Dell volontaires ont été sollicités pour agréger de la puissance de calcul. Les personnes qui le souhaitaient pouvaient en effet installer un programme pour réaliser sur leur machine une partie des traitements nécessaires à l’entraînement.

Analyser le présent et protéger demain

L’humain reste au cœur du progrès. L’IA aide les scientifiques à passer de la productivité à la performance dans l’analyse des images. Mais l’IA permet aussi d’aller plus loin en faisant des prédictions à partir des informations qu’on lui fournit. Toutes les données collectées grâce au recensement vont aider les scientifiques à évaluer l’impact de leurs actions ou des transformations environnementales. Il sera par exemple possible de simuler l’impact sur les récifs d’un réchauffement de la température des océans.

Et l’impact peut être encore plus grand. L’équipe de Mei May Soo espère appliquer la même technologie à d’autres récifs en Indonésie, puis dans d’autres écosystèmes menacés autour du monde, ou pourquoi pas sur des projets de conservation en surface. « Nous pensons que cela pourrait permettre de prédire les incendies de forêt, ainsi que la repousse des arbres, explique-t-elle. Le deep learning peut être employé pour surveiller l’évolution d’un écosystème dans pratiquement n’importe quelle région de la Terre. »

L’intelligence artificielle est ainsi au cœur d’un paradoxe environnemental. D’ici 2030, elle pourrait en effet consommer à elle seule 3,5 % de l’électricité mondiale, d’après les estimations du cabinet Gartner. À l’inverse, l’IA pourrait également nous permettre de réduire de 5 à 10 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030. Tout l’enjeu est donc de définir une feuille de route de l’IA sobre, mais aussi d’intégrer des infrastructures qui permettent de l’utiliser avec l’empreinte énergétique la plus faible possible, afin d’en tirer tous les bénéfices avec un impact minimal.

About the Author: Vincent Barbelin

Vincent Barbelin est CTO, CTO Ambassador de Dell technologies France.